Accueil > Adtechs & Martechs > Adtech : les réactions et analyses du secteur à la condamnation de Google par la Commission européenne Adtech : les réactions et analyses du secteur à la condamnation de Google par la Commission européenne Google a été sanctionné début septembre de presque trois milliards d’euros d’amende pour abus de position dominante dans les technologies publicitaires numériques et dispose de 60 jours ouvrés pour proposer des remèdes. mind Media relaie les principales prises de position et a interrogé des éditeurs, des responsables de sociétés adtechs et des avocats spécialisés en droit de la concurrence pour analyser la décision et ses conséquences. Par Jean-Michel De Marchi avec Chiara De Martino. Publié le 12 septembre 2025 à 16h52 - Mis à jour le 12 septembre 2025 à 16h52 Ressources Après un an d’attente, la Commission européenne a annoncé vendredi 5 septembre le résultat de son enquête sur le comportement de Google dans les technologies dédiées à la publicité en ligne : le groupe américain est reconnu coupable d’abus de position dominante, à la fois dans la vente et l’achat publicitaires. Il devra verser 2,95 milliards d’euros d’amende et fait l’objet d’une injonction à proposer des remèdes sous 60 jours ouvrés, même s’il a déjà annoncé interjeter appel. Si la décision motivée de la Commission n’a pas encore été publiée – elle le sera dans les prochaines semaines -, les réactions officielles ont été nombreuses et son communiqué est suffisamment précis pour en tirer des premières conclusions, selon plusieurs professionnels interrogés. Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Teresa Ribera Vice-présidente exécutive de la Commission européenne “Dans cette affaire, Google a abusé de sa position dominante des deux côtés de la chaîne d’approvisionnement adtech (…). En raison des pratiques illégales de Google, les annonceurs ont dû faire face à des coûts marketing plus élevés, probablement répercutés sur les consommateurs européens sous forme de hausse des prix des produits et services. Les tactiques de Google ont également réduit les revenus des éditeurs, ce qui a pu entraîner une baisse de la qualité des services et une hausse des coûts d’abonnement pour les consommateurs (…). Une simple amende dans cette situation ne suffit pas à apporter des solutions réelles et tangibles au marché et à protéger nos consommateurs. C’est pourquoi nous avons également ordonné à Google de cesser ses pratiques illégales et de mettre un terme à ses conflits d’intérêts inhérents au secteur de l’adtech. Google dispose de 60 jours pour informer la Commission de la manière dont elle compte procéder, et si elle ne parvient pas à proposer un projet viable, la Commission n’hésitera pas à imposer une mesure corrective appropriée. À ce stade, il semble que la seule façon pour Google de mettre fin efficacement à son conflit d’intérêts soit de recourir à une solution structurelle, comme la vente d’une partie de son activité adtech. Cela semble à la fois nécessaire et proportionné pour mettre fin efficacement à l’infraction.” (communiqué) Thierry HugotDirecteur des opérations, Rossel France Le groupe média belgo-français est le premier acteur à avoir attaqué Google en réparation en France après sa condamnation par l’Autorité de la concurrence française en 2021. “Je suis satisfait de la condamnation de Google, mais une amende de ce type ce n’est pas une fin en soi. D’abord parce que le montant n’est pas très élevé eu égard à ses résultats et aux préjudices causés, ensuite parce que cela ne répare pas les préjudices économiques qui sont causés aux entreprises comme la nôtre. Nous espérons que les juges français vont prendre la mesure de cette décision et du rôle néfaste de Google pour le secteur des médias et de la publicité, et qu’ils condamneront ses pratiques avec des dommages et intérêts importants.” INFO MIND MEDIA – Le très gros chèque réclamé par Rossel à Google Marc FeuilléeDirecteur général du groupe Figaro Le groupe Figaro travaille et négocie des accords opérationnels avec Google, mais a également ouvert un procès en réparation contre le groupe dans l’adtech en France. “C’est une décision significative qui souligne les dysfonctionnements du marché publicitaire numérique. Je ne sais pas s’il faut aller jusqu’au démantèlement des activités technologiques de vente ou d’achat de Google, car cela risque de déstabiliser les mécanismes publicitaires qui sont complexes, or le contexte de marché est déjà difficile. La scission du navigateur Chrome, qui est envisagée dans l’affaire Search, me semble plus judicieuse. De manière plus générale, cette décision conforte notre action engagée en justice en France pour obtenir réparation de notre préjudice après des pratiques illégales déjà constatées par l’Autorité de la concurrence 2021. La décision permet aux juges de mieux comprendre le système d’intégration verticale mis en place par Google ; ils doivent maintenant sortir de leur timidité pour constater et mieux chiffrer les préjudices des éditeurs.” Bruno Van Boucq CEO, Proxistore La société publicitaire belge a engagé plusieurs combats judiciaires contre Google, dont l’un pour pratiques anticoncurrentielles dans l’adtech. “Cette décision dans l’Union européenne symbolise tout le mal que fait Google à l’industrie des médias locaux et des acteurs européens de l’adtech. Et elle renforce indiscutablement les décisions de justice déjà prises au niveau local, en particulier dans l’affaire qui nous oppose à Google. C’est une victoire qui indemnisera le passé, mais il faut maintenant reconstruire notre futur et agir plus concrètement avec d’autres mesures.” Bruno Van Boucq (Proxistore) : “Le comportement de Google sur le marché publicitaire est profondément anticoncurrentiel, injuste et immoral” Malik IdriAvocat en droit de la concurrence, FTPA Malik Idri co-représente Le Figaro, Prisma Media et Les Échos-Le Parisien dans leurs procédures en réparation contre Google en France. “Je m’attendais à une sanction et à une amende malgré les atermoiements de ces derniers mois, car il faut relativiser le poids et l’influence des enjeux politiques sur le fonctionnement de la Commission. Mais cette amende sanctionne le passé. La vraie question, ce sont les remèdes qui seront mis en place pour mettre fin aux pratiques de Google et rétablir un fonctionnement du marché sain pour ses concurrents et ses clients. Le rapport préliminaire qu’avait publié la Commission comme son communiqué aujourd’hui indiquent qu’elle penche vers un démantèlement de ses activités adtechs, mais de quelle nature et la solution retenue sera-t-elle vraiment efficace ? C’est tout l’enjeu, car Google a aujourd’hui une telle hégémonie sur toute la chaîne publicitaire que même la vente de DFP ou AdX ne suffirait pas forcément à rétablir la concurrence et protéger ses clients. La publication de la décision motivée de la Commission pourrait donner un premier éclairage. Google a des conflits d’intérêt à tous les niveaux du marché publicitaire en ligne qu’il n’arrive pas à gérer. C’est même une stratégie délibérée. La décision de la Commission va sans doute entraîner de nouvelles procédures en réparation dans toute l’Europe. D’un point de vue juridique, elle n’aura pas de conséquence sur les procédures en cours en France, car l’Autorité de la concurrence a déjà très bien constaté les pratiques qui fondent les demandes, mais c’est un élément psychologique supplémentaire intéressant.” Fayrouze Masmi-DaziAvocate en droit de la concurrence, fondatrice du cabinet Dazi Fayrouze Masmi-Dazi est l’avocate du Geste et de l’interprofession publicitaire française sur des plaintes contre des comportements jugés anticoncurrentiels d’Apple. Elle représente aussi les groupes L’Équipe, RMC BFM et Leboncoin face à Google dans leurs demandes en réparation en France. “Il faudra regarder la décision motivée en détail, mais la décision parcellaire qui a été publiée est déjà très intéressante à plusieurs titres. D’abord, elle précise et étend la période infractionnelle ‘entre 2014 au moins et aujourd’hui’, ce qui est fondamental pour caractériser la durée des préjudices des sociétés qui sont victimes de Google et le montant des dommages et intérêts attribués par les tribunaux. Ensuite, elle conforte le périmètre géographique à toute l’Europe. Troisièmement, cette décision est la première à constater que les acheteurs publicitaires – les annonceurs -, et même les consommateurs, sont victimes des pratiques de Google, et pas seulement les fournisseurs adtechs et les éditeurs. Sur les remèdes, je suis confiante, et la démarche de la Commission est intéressante : c’est la première fois qu’elle laisse Google prendre l’initiative de faire des propositions tout en mentionnant une cession d’activité comme une solution évidente. Cela lui laisse le temps d’analyser les arguments et pièces qui seront présentés au nouveau procès sur les remèdes à l’abus de position dominante de Google qui s’ouvrira aux États-Unis le 22 septembre, pour éventuellement adopter une position similaire.” Procès contre Google : tout comprendre de la décision judiciaire défavorable à RMC BFM Ads Angela Mills WadeDirectrice exécutive de l’European Publishers Council (EPC) L’association d’éditeurs d’information a été le premier plaignant en février 2022 à engager une plainte contre les pratiques adtechs de Google auprès de la Commission européenne, ce qui a entraîné l’ouverture de son enquête et cette sanction. “Une amende ne résoudra pas l’abus de position dominante de Google dans le domaine des technologies publicitaires. Une action ferme et décisive contre Google pour mettre fin à ses pratiques illégales sera cruciale, car Google considérera l’amende comme une simple charge pour l’entreprise (…). En tant que plaignant, l’EPC cherchera à obtenir des mesures qui modifient manifestement le comportement de Google et répondent aux préoccupations fondamentales de verrouillage du marché et au manque de transparence au cœur de la domination de Google.” (communiqué) Damien Geradin Avocat en droit de la concurrence, associé fondateur du cabinet Geradin Partners Le cabinet a représenté l’association European Publishers Council lorsqu’elle a engagé une plainte contre Google en février 2022 auprès de la Commission européenne, et est présent dans plusieurs actions en réparation contre Google en Europe. “L’objectif de la plainte portée par l’European Publishers Council, que nous avons assisté, était de compléter la décision de l’Autorité de la concurrence française de 2021, à la fois pour mettre en avant et imposer des remèdes à mettre en place afin de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles de Google, et pour bénéficier d’une condamnation avec force obligatoire à l’échelle européenne, opposable dans tous les pays. L’analyse de la Commission est très bonne. Ma première réaction a été une certaine déception, du fait que la Commission n’ait pas prononcé elle-même une cession forcée de certaines activités. Mais en y réfléchissant, c’est peut-être un coup de génie : en laissant 60 jours ouvrés à Google pour proposer sa propre solution, qui sera l’objet ensuite d’un test de marché et de discussion, tout en déclarant que la vente de certaines activités adtechs lui semble évidente, elle se donne quelques mois pour laisser se dérouler le nouveau procès de Google aux États-Unis, où sa culpabilité a déjà été reconnue et où les remèdes nécessaires seront maintenant discutés. Là aussi, la vente de certaines activités adtechs a été mise en avant. Je ne vois pas comment Google pourra y échapper, d’autant que c’est l’ntégration verticale de ses activités qui pose problème ici. Mais ce ne serait pas forcément dramatique pour Google, par exemple s’il doit vendre son réseau publicitaire, qui est déjà sur le déclin. L’activité la plus importante pour lui, la plus rentable et la plus problématique pour tout le secteur, concerne le search.” Marc Barennes Avocat en droit de la concurrence, associé au cabinet Geradin Partners Marc Barennes représente Equativ dans son action en réparation contre Google en France, désormais portée devant la Cour d’appel de Paris. “Outre son champ d’application plus vaste, à toute l’Union européenne, la décision de la Commission a un caractère juridique plus fort et une plus grande opposabilité aux tribunaux français que celle de l’Autorité de la concurrence française : elle est une preuve irréfragable de l’infraction de Google, avec force obligatoire [les victimes n’ont pas à prouver de nouveau l’existence de la pratique anticoncurrentielle devant les tribunaux nationaux lorsqu’ils réclament des dommages et intérêts, Ndlr]. C’est un élément supplémentaire dans les affaires contentieuses en cours.” Google vs DOJ aux États-Unis : tout ce qu’il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l’adtech Geoffrey Berthon CEO de Qwarry Qwarry est une société de ciblage contextuel sémantique, avec certaines solutions concurrentes à celles de Google. “La décision de la Commission européenne est un signal fort en faveur d’un marché publicitaire plus équitable. Même si aucune scission immédiate n’est imposée, les remèdes obligeront Google à reconnaître et corriger un conflit d’intérêts structurel dans sa chaîne adtech. Cela ouvre la voie à une meilleure interopérabilité et à une réallocation plus saine de la valeur entre éditeurs, annonceurs et plateformes. Reste à voir si les propositions de Google seront réellement efficaces ou simplement cosmétiques. Le vrai test sera leur impact concret sur la compétitivité des alternatives indépendantes.” Google nie toute pratique illégale Lee-Anne Mulholland Vice president, global head of regulatory affairs de Google : “La décision de la Commission européenne concernant nos services de technologies publicitaires est erronée, et nous allons faire appel. Elle impose une amende injustifiée et exige des changements qui nuiront à des milliers d’entreprises européennes en rendant plus difficile pour elles de générer des revenus. Il n’y a rien d’anticoncurrentiel à fournir des services aux acheteurs et aux vendeurs d’espaces publicitaires, et il existe plus d’alternatives que jamais à nos services.” Jean-Michel De Marchi avec Chiara De Martino AdtechConcurrenceGAFAMJuridiqueProcès contre GooglePublicité programmatiqueRégiesSites d'actualité Besoin d’informations complémentaires ? 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