Accueil > Marques & Agences > Martech : comment les marques peuvent accélérer sur la collecte et l’usage de données propriétaires Martech : comment les marques peuvent accélérer sur la collecte et l’usage de données propriétaires La remise en cause des cookies tiers contraint les marques à mieux collecter et exploiter leurs données propriétaires, notamment en associant davantage leurs stratégies adtech et martech. Le CRM et le login vont devenir clé. mind Media a interrogé La Redoute et deux agences spécialisées dans la transformation numérique des annonceurs, Jellyfish et Mediamonks, pour en présenter les enjeux et détailler les bonnes pratiques. Par Luciana Uchôa Lefebvre. Publié le 10 novembre 2021 à 9h15 - Mis à jour le 09 novembre 2021 à 23h42 Ressources Les changements structurels dans le marketing digital se multiplient et impactent en profondeur les pratiques des marques. Certaines transformations sont déjà en cours, comme les restrictions au ciblage et au suivi publicitaires au sein de Safari et d’iOS. D’autres sont attendues pour 2023, comme la suppression des cookies tiers chez Google. “Durant très longtemps, les cookies tiers ont permis aux marques de toucher un nombre impressionnant de personnes et de récupérer les données de prospects et des clients”, rappelle Yacine Boukli, CRM manager chez Jellyfish (sa fiche LinkedIn). Cette période est révolue. “Les blocages pour le ciblage publicitaire et le tracking dans iOS et sur certains navigateurs rendent difficile la personnalisation des messages et le reciblage de nos prospects sur ces environnements”, souligne Samir Amellal, directeur data de La Redoute France et International (sa fiche LinkedIn). Il calcule que 20 % des campagnes sont impactées, ce qui pose problème dans ce secteur très concurrentiel que sont la mode et l’ameublement commercialisés en ligne, où l’acquisition digitale reste centrale voire déterminante. Comment Cofidis a expérimenté le ciblage publicitaire sans cookie avec Weborama La convergence adtech-martech devient incontournable Dans un horizon relativement court, les annonceurs seront davantage dépendants de ce que chaque environnement – Google, Facebook, Amazon, open web, etc. – voudra et pourra bien leur proposer en termes de ciblage et de mesure de leurs activations média. “Face à tous ces changements structurels, les marques n’auront plus le choix : elles devront placer la connaissance client au cœur de leurs stratégies pour continuer à communiquer avec pertinence avec leurs clients et prospects”, insiste Yacine Boukli (Jellyfish). L’industrie de la publicité elle-même vit un véritable changement de paradigme. Parmi ces bouleversements, la donnée propriétaire, ou first party, obtenue directement auprès de consommateurs identifiés et consentants, devient encore plus stratégique pour les marques. Erik-Marie Bion (Verizon Media) : “La publicité ciblée ne va pas disparaître avec les cookies tiers, elle se transformera et restera efficace” L’une des clés pour y parvenir est d’adapter les outils adtechs, traditionnellement basés sur les cookies, au principe de l’ID, qui lui a toujours été au cœur de technologies appliquées au marketing – les martechs. “C’est un enjeu majeur et transformationnel pour toute l’industrie de la publicité, qui doit désormais repenser sa stratégie en s’appuyant sur les ID CRM des marques médias et des annonceurs pour rendre viable le ciblage et surtout la mesure des campagnes”, souligne Thomas Allemand, senior adtech et supply director chez Jellyfish (sa fiche LinkedIn). L’industrie étant en marche accélérée pour s’adapter à ces changements, l’importance pour les marques de collecter et traiter les données des leurs clients encartés ou connectés à leurs propriétés numériques en sort renforcée. “On constate des écarts de performance assez importants entre les différentes solutions de ciblage contextuel et sémantique en programmatique, d’où le rôle déterminant de la mesure” Charles Moynet (Mediamonks) D’autant que ces données peuvent potentiellement répondre aux besoins de leur communication à toutes les étapes du parcours client, de l’acquisition à la fidélisation, le tout dans une logique omnicanale. “Nos marques sont des vecteurs générateurs directs de trafic et de clients”, analyse Samir Amellal (La Redoute). C’est aussi pour lui une question d’autonomie et d’indépendance : “Nous testons déjà plusieurs solutions pour ne pas devenir dépendants de ces grandes plateformes qui dictent ces changements et qui nous enferment dans leurs propres critères”, ajoute-t-il. Passer du marketing de masse au marketing de précision Si elle peut s’apparenter à une contrainte, la collecte et le traitement de la donnée first party représente en réalité de nombreux avantages pour les annonceurs. À commencer par leur qualité. Tandis que les cookies donnent accès à une grande masse de données de navigation, traitées à l’échelle de chaque individu, ils ne permettent pas d’approfondir la connaissance de chaque internaute. Pire encore, ces informations ne sont pas toujours fiables. “Les cookies génèrent un volume important de données, mais celles-ci peuvent créer de sérieux biais dans la mesure des activations médias”, affirme Thomas Allemand (Jellyfish). Les annonceurs attendent plus de passerelles entre martech et adtech Les raisons à cela sont multiples : la durée de vie des données issues de cookies est courte ; leur disponibilité est très disparate selon les navigateurs et les différences de comportement d’un même internaute, qui peut à la fois refuser ou accepter leur dépôt d’un site à un autre. Enfin, les cookies n’existent pas en environnement in-app et en TV connectée. A contrario, les données de type CRM et login, permettent d’approfondir la connaissance de chaque individu grâce à leur récurrence et à la possibilité pour les marques de multiplier les échanges avec chaque client ou prospect logué, à travers des promotions, des enquêtes, de l’information, des jeux ou des incitations. Cette qualité de la donnée a une double répercussion pour les marques. Tout d’abord, cela les rend capables d’adopter une démarche relationnelle voire prédictive, en se servant notamment d’une plateforme de gestion et activation de données clients (CDP), ce qui favorise la fidélisation et génère des retombées business. En parallèle, on considère que leurs activations médias seront plus pertinentes sur le web et les plateformes grâce à un ciblage et à une mesure optimisés par l’ID. “En acquisition, le CRM permet d’avoir différents cas d’usage qui impactent directement le business de la marque : depuis l’exclusion de ses clients pour ne toucher que des prospects jusqu’au calcul de la valeur client et au ciblage basé sur le marketing prédictif pour ne se concentrer que sur ceux qui ont le plus de probabilités de convertir et de générer de la valeur”, explique Charles Moynet, directeur commercial France de Mediamonks (sa fiche LinkedIn). Thomas Allemand (Jellyfish) : “Le plus grand défi pour cibler efficacement sans cookie tiers sera de savoir mesurer en quasi temps réel l’impact business des campagnes” “En fidélisation également, cette connaissance permettra à la marque d’adapter la diffusion de ses offres commerciales selon ses objectifs business : si elle sait que son client A achète une chemise blanche toutes les semaines, elle n’aura sans doute pas besoin de lui adresser une offre promotionnelle très alléchante pour ce type de produit”, illustre Yacine Boukli (Jellyfish). Concernant la mesure des campagnes, contrairement aux idées reçues, le CRM permet à l’annonceur d’analyser précisément l’impact de ses investissements publicitaires, d’après Thomas Allemand (Jellyfish) : “Disposant des retours d’une partie de sa base clients, il peut ensuite extrapoler ces renseignements pour en tirer les leçons et optimiser son activation.” Pour ce professionnel, la mesure prend une importance toute particulière dans ce contexte : “On constate des écarts de performance assez importants entre les différentes solutions de ciblage contextuel et sémantique en programmatique, d’où le rôle déterminant de la mesure.” Le CRM appliqué à la mesure a également l’intérêt d’enrichir les études économétriques de l’impact des leviers marketing, le marketing mix modeling (MMM) : “Quand vous disposez d’une donnée first party riche, vous pouvez enrichir votre MMM avec les retours de chaque tactique employée en ligne, mesurés dans une logique de multi touch attribution”, ajoute Charles Moynet (Mediamonks). “Les marques s’intéressent de plus en plus à la collecte des données, mais elles ne sont pas nombreuses à savoir les consolider” Yacine Boukli (Jellyfish) L’ID semble également pour l’instant la seule solution pour répondre à la promesse de l’ominicanalité. En permettant aux marques de faire le lien entre tous les points de contact de chaque utilisateur sur les univers online et offline, l’ID les autorise à mieux communiquer avec ces derniers. “C’est un changement d’ordre sociétal : les consommateurs attendent des marques une bien plus grande cohérence sur chaque moment passé sur ses différents écrans”, précise Charles Moynet. Enfin, en développant leur propre bassin de données, les marques deviendront moins dépendantes des acteurs tiers et des plateformes. “Nous testons différentes solutions, comme le partage de nos données avec nos pairs et différents acteurs du marché sur le serveur, ce qui a l’avantage de nous affranchir des navigateurs. Des solutions de type Tealium nous permettent de le faire. C’est un point de départ pour nous libérer de cette dépendance à l’égard des GAFA”, précise Samir Amellal (La Redoute). Grégoire Frémiot (Mediarithmics) : “Face aux changements dans l’adtech, les annonceurs doivent construire leur private garden” Mieux organiser la collecte de la donnée first party Pour accélérer sur ce sujet, la première démarche consiste à créer et alimenter une véritable base de données “customer centric”, en accordant une attention toute particulière à la manière de s’adresser aux consommateurs. Pour ceux qui ne disposent pas encore de contact direct avec leurs clients, la question d’établir ces canaux devient urgente. “Qu’il s’agisse de marques qui ont beaucoup ou très peu d’accès direct aux consommateurs, toutes doivent être très attentives à la collecte d’une donnée consentie car le consentement est la base du cercle vertueux de la donnée propriétaire”, précise Charles Moynet (Mediamonks). Beaucoup de marques sous-estiment selon lui l’importance et la difficulté de cette étape, dont le succès dépend de trois pré-requis : la valeur de l’échange (ce que la marque offre au consommateur en contrepartie de sa donnée), la fluidité de l’expérience de collecte proposée et la capacité technique de l’annonceur à collecter et à rendre cette donnée facilement disponible et exploitable. Vincent Luciani (Artefact) : “La crise a créé une prise de conscience chez les marques sur la nécessité d’accélérer leur transformation numérique” Si beaucoup de marques collectent déjà la data à travers leur site, applications, magasins et cartes de fidélité, celles qui la traitent de manière optimisée sont plus rares. “Les marques s’intéressent de plus en plus à la collecte des données, mais elles ne sont pas nombreuses à savoir les consolider : le nettoyage et l’agrégation des différentes informations sur chaque client ou prospect sont déterminants pour l’activation et le suivi qui en seront faits par la suite”, précise Yacine Boukli (Jellyfish). L’annonceur devra également s’adosser aux plateformes GAFA ou aux solutions tierces sur l’open web pour transformer ses bases CRM en identifiants activables sur le digital. “Les données ont besoin d’être réconciliées pour être matchées, cela se fait généralement via l’adresse e-mail, c’est ce que l’on appelle ‘l’onboarding’”, explique Thomas Allemand (Jellyfish). Ce faisant, on traduit la donnée CRM en ID Liveramp ou ID Zeotap par exemple, sur l’open web, ou en ID Facebook, ID Amazon, etc. “Cela fait deux ans que nous testons les solutions alternatives proposées par le marché et ce processus s’accélère ces derniers mois y compris pour ce type de solution de matching d’ID”, confirme Samir Amellal (La Redoute). “Nous regardons également les solutions de type SSO connect, comme celle proposée par Criteo”, ajoute-t-il. Les acheteurs face au défi de la modélisation de l’attribution sur les plateformes Dans le cas d’investissements en achat média pour un montant dépassant les 10 000 euros mensuels, il convient d’envisager la prise en direct de licences auprès des plateformes publicitaires du marché, de Google à Amazon en passant par les différents DSP. “C’est une pratique qui s’est un peu démocratisée ces cinq dernières années : l’intérêt est que c’est l’annonceur dans ce cas, et non son agence, qui détient l’ensemble des données concernant le déploiement de ses campagnes, qu’il pourra par la suite exploiter et combiner avec ses autres sources de data”, conseille Charles Moynet (Mediamonks). Cette option coûteuse peut devenir rentable en fonction du niveau d’investissements en achat média, de la maturité et de la sophistication recherchée. En possédant les données d’audiences créées lors de ses activations et notamment celles ayant réagi positivement à l’exposition publicitaire, l’annonceur pourra s’adresser à nouveau uniquement à ceux qui ont potentiellement le plus de valeur pour lui. Luciana Uchôa Lefebvre Achat programmatiqueAdtechCiblage contextuelCiblage publicitaireCookiesMartechStratégies annonceursTransformation marketing Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Analyses Dossiers Les nouveaux enjeux du marketing mix modeling Tribunes gratuit “Face aux changements dans l’adtech, les annonceurs doivent construire leur private garden” Les acheteurs face au défi de la modélisation de l'attribution sur les plateformes Analyses Les annonceurs attendent plus de passerelles entre martech et adtech Tribunes gratuit "Les achats contextuels par panels permettent une publicité ciblée respectueuse de la vie privée" L’Autorité de la concurrence britannique insiste pour concilier vie privée en ligne et concurrence Entretiens Rachel (Sleeping Giants) : “La disparition des cookies tiers pourrait contribuer à réduire le financement des médias haineux” CDP : Treasure Data lève 234 millions de dollars Dossiers Les plateformes de social listening veulent se rapprocher de la prise de décision stratégique Analyses Dossiers Google accusé de truquer le marché publicitaire en ligne : de nouveaux éléments mettent en cause son système d'enchères programmatiques Analyses Privacy Sandbox : que faut-il retenir du test de FLoC réalisé par Criteo ? 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