Le private-equity a-t-il pris la mesure de la transition écologique ?
E.V : Selon une étude réalisée par L Catterton, le consommateur actuel est 4,5 fois plus motivé pour consommer auprès de marques engagées, sur le plan environnemental et humain (inclusion, égalité hommes-femmes, santé mentale…). Ces dernières années, le monde a changé (nouveau rapport au travail avec le télétravail, réchauffement climatique) et les attentes des clients aussi. Chez L Catterton, nous avons pris ce virage rapidement, mais c’est devenu aujourd’hui une réalité du marché. Les levées de fonds pour investir dans des causes ESG explosent : on estime que plus de US$ 80 trillions dans le monde ont été levés par des fonds qui ont adhéré à la charte de responsabilité des Nations Unies. Le capital a réagi très vite à cette tendance. APC, par exemple, a une dette qui est ESG driven : l’entreprise paye moins d’intérêts si elle réduit son impact carbone (au niveau des produits, des magasins et des fournisseurs). Les entreprises ont désormais des instruments de dette et de financement qui les engagent dans ce sens.
La baisse du pouvoir d’achat est un enjeu fort. Le marché de la consommation va-t-il continuer à se développer ?
E.V : Oui, car l’inflation est un élément conjoncturel. En Chine par exemple, l’épargne a augmenté pendant le Covid, il faut désormais convaincre le consommateur de sortir de chez lui pour aller acheter. Sur un marché global de produits consommables de US$ 11 trillions, on voit que la croissance est plus dynamique aux USA et en Asie, qu’en Europe. Quand nous décidons d’investir dans une marque, au-delà du potentiel de croissance de sa catégorie, de son approche data-driven et ses engagements ESG, nous regardons aussi le potentiel de pouvoir d’achat de chaque génération de consommateurs, région par région. Par exemple, les Millenials ayant le plus fort pouvoir d’achat sont surtout basés aux USA et en Europe, mais ils se développent aussi en Chine. Dans beaucoup de pays, la Gen Z (2 milliards d’habitants) a dépassé les Millenials.
Vous dites que pour les marques non engagées, la conversion RSE ne permettra pas de recruter de nouveaux clients. Pourquoi ?
E.V : Pour les marques qui ne sont pas nées avec ces engagements et ces valeurs, il sera très compliqué d’en faire un point de différenciation marketing plus tard. Si une marque n’est pas engagée en ESG, elle doit, certes, prendre des engagements forts sinon les investisseurs et les clients lui reprocheront. Mais cela ne sera pas une raison nécessaire et suffisante pour que les clients viennent chez elle. Nous investissons, par exemple, dans la marque de mode Ganni (environ € 40 millions de CA en 2018, € 200 millions prévus en 2023) qui a obtenu le meilleur ranking de durabilité au monde selon B-Corp devant Patagonia : elle est capable de s’internationaliser partout dans le monde (USA, France, Chine…), grâce à son ancrage durable très fort, mais aussi son style différenciant et son positionnement prix honnête. Notre travail, en tant que fonds, est d’accompagner cette marque dans tous les marchés où elle est légitime. Notre mission est de nourrir les marques, de les accompagner à l’international, mais nous n’avons pas la prétention de les transformer. Elles doivent rester fidèles à leur ADN, qui leur a permis d’entrer en résonance avec le consommateur. Et celui-ci ne croit pas aux transformations.
Eduardo Velasco
2004 – aujourd’hui : Partner, L Catterton
2021 – aujourd’hui : Président du CA, Jott
2018 – aujourd’hui : Président du CA, Goiko
2017 – aujourd’hui : Président du CA, Ganni A/S
2015 – 2022 : Président du CA, ba&sh
2008 – 2019 : Membre du CA, Princess Yachts International
2015 – 2018 : Membre du CA, El Ganso
2011 – 2018 : Président du CA, Captain Tortue
2010 – 2013 : Président du CA, SMCP
2004 – 2009 : Membre du Board, Micromania