Accueil > Marques & Agences > Christine Removille (Bain & Company) : “Il est essentiel d’avoir une langue commune au sein des marques entre le marketing et les finances” Christine Removille (Bain & Company) : “Il est essentiel d’avoir une langue commune au sein des marques entre le marketing et les finances” Avec 18 000 collaborateurs dans le monde (400 en France) et 6 milliards de dollars de revenus annuels, Bain & Company compte parmi les premiers cabinets de stratégie et de management, intervenant auprès des conseils d'administration des grandes entreprises. Christine Removille, associée chargée au niveau mondial du département Customer & marketing excellence, détaille les dernières transformations à l’œuvre au sein des marques, les enjeux et difficultés auxquels elles font face et les nouveaux modèles liés au marketing. Elle insiste également sur l’évolution du rôle du CMO et la collaboration à nouer avec la direction financière au sein des marques. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 26 octobre 2023 à 18h49 - Mis à jour le 27 octobre 2023 à 11h07 Ressources Vous conseillez les comités de direction des grandes marques sur leurs problématiques de management et de marketing. Quelles sont les grandes transformations que vous constatez ces 18 derniers mois ? Je vois au moins trois grandes évolutions notables liées à la transformation business des marques. D’abord, il n’y a pas eu, au sein des grandes entreprises, une seule organisation marketing qui ne se soit pas transformée. Avec des problématiques similaires pour les dirigeants : quelles activités marketing dois-je centraliser à l’échelle internationale et celles que je peux piloter au niveau local ? Quel équilibre trouver entre les tâches confiées aux agences et les activités à réaliser en interne ? Quel doit être le périmètre de mon service marketing et comment travailler avec les ventes, puisque désormais l’interface entre marketing et ventes est de plus en plus poreuse ? Toutes ces problématiques sont questionnées au sein des entreprises dans la majorité des industries. Dans les services financiers, ceux liés au retail, dans le BtoB également, on constate une réinvention de la fonction marketing au sens large. C’est donc quelque chose de très réfléchi et de structurel, ce n’est plus une démarche opportuniste. La deuxième transformation notable, c’est le test and learn qui prend une autre dimension. Certains utilisent le terme de “test and learn at scale”. Ils expérimentent avant d’industrialiser ce qui a fonctionné. Pas simplement expérimenter une évolution de mix média, mais expérimenter de façon plus ambitieuse, les nouveaux contenus, les nouvelles cibles et des nouveaux enjeux métiers ou marketing. Sur l’IA générative ou l’insertion des critères d’environnement, par exemple. Sur ce dernier point, beaucoup de marques veulent faire évoluer leur positionnement pour devenir une marque plus durable. Elles vont tester leur nouvel ADN de marque avec de nouvelles prises de parole et de nouveaux contenus autour de la durabilité, avant de le déployer à l’échelle internationale. Ce test and learn n’est pas réservé aux entreprises du CAC40 ; les entreprises de taille moyenne le font aussi, en interne ou via des agences. Le troisième point sur la transformation marketing en cours porte sur l’orientation “customer first”. Il y a des organisations, notamment dans le luxe, pour qui la marque est très importante dans leur positionnement stratégique, avec une construction de brand equity très forte, et qui aujourd’hui évolue également vers un focus consommateur. Il faut commencer par mettre en place des indicateurs de mesure de performance autour du consommateur. On constate d’ailleurs que le Net promoter system (NPS), qui a initialement été inventé par Bain & Company, et qui évalue la satisfaction client et son engagement (ce modèle d’évaluation a donné lieu au Net promoter score, utilisé depuis dans le langage courant au sein des entreprises, ndlr), est aujourd’hui réinventé. Depuis 2022, nous l’avons complété pour prendre en compte de nouveaux indicateurs autour de la croissance “méritée” (“porteuse de sens”, ndlr) à partir de la mesure de la qualité de la relation entre le client et l’entreprise, et ainsi mesurer au mieux l’efficacité du marketing. Christine Removille 2020 Associée – Customer & Marketing Excellence, Bain & Company2018 Global CEO, Carat (Dentsu)2009 Directrice associée EMEA, Accenture Interactive (devenue Accenture Song) Il peut y avoir une contradiction entre “brand marketing” et “consumer marketing”. Comment concilier la nécessité d’écouter et de répondre aux aspirations des consommateurs, donc de déployer une communication marketing plus horizontale, tout en maintenant une image de marque désirable ? Et qu’est-ce que cela change dans l’organisation de la marque ? C’est un équilibre à trouver selon la marque et selon son secteur plus qu’une contradiction. Cet équilibre se situe dans ce triptyque : 1 – Les objectifs de construction du capital de marque, 2 – les objectifs d’engagement avec le client ou consommateur, et 3 – les objectifs financiers (les ventes à court et long terme). C’est en s’interrogeant sur ce triptyque et en obtenant un alignement de l’organisation sur ces objectifs que le responsable marketing fera les bons choix et les bons arbitrages dans sa stratégie marketing. Cela nécessite deux choses au sein de l’entreprise. D’une part, avoir une très bonne vision des investissements en communication réalisés, donc bénéficier d’une large transparence. On voit de plus en plus d’annonceurs qui mettent en place des outils de transparence mondiaux pour comprendre combien ils investissent non seulement en média mais aussi en médias propriétaires détenus par l’entreprise (owned media), afin de s’appuyer sur une meilleure lisibilité. Le owned media ne doit pas être sous-estimé par les marques car il permet de capter de l’information (de la donnée propriétaire des clients et consommateurs) et de toujours mieux cibler leurs campagnes marketing. Le owned media est même fondamental pour certaines industries, notamment en BtoB, afin de construire une relation de confiance dans la durée. Donc la première brique nécessaire chez la marque pour trouver son positionnement marketing optimal concerne la transparence. La deuxième, c’est de s’appuyer sur un modèle de mesure de performance qui associe les modèles d’allocation de ressources et le test and learn dont je parlais précédemment. Quand une entreprise parvient à mettre en évidence les bons insights quantitatifs et qualitatifs qui expliquent les comportements consommateurs et à les injecter dans les modèles d’allocation, cela permet de mesurer les relations de cause à effet entre performance et investissements en communication. Et ainsi de placer au bon endroit le curseur au sein de ce fameux triptyque dont je parlais : si je place mon curseur davantage sur du brand equity, voilà le mix marketing que je dois mettre en œuvre. Sur ce point, c’est une énorme transformation que les grandes entreprises mènent actuellement, généralement sur un modèle “build and buy” : ils achètent des outils qui existent déjà sur le marché, ou alors des data connecteurs automatisés (le “buy”) et ils construisent une API, une interface utilisateur qui est propre à leur entreprise pour prendre les bonnes décisions en temps réel (le “build”). “Certaines grandes entreprises sont allées très loin dans le digital marketing, dans un objectif de performance financière à court terme, et sont aujourd’hui en train de faire un peu marche arrière” Vous parlez de transparence et de technologies “build and buy”. Les marques hésitent souvent entre l’internalisation et l’externalisation des outils du marketing opérationnel, autrement dit entre avoir une infrastructure technique interne pour maîtriser et réduire les coûts, du moins à court terme, ou déléguer à leur agence ou à des partenaires technologiques pour profiter de leurs expertises. Quelles sont les bonnes pratiques ? Je constate souvent une combinaison du build et du buy. Avec la volonté de construire en interne quand il n’existe pas d’outil adéquat, et la volonté d’acheter ce qui est devenu une commodité sur le marché à l’instant T, quand les outils existent et répondent aux besoins, qui peuvent d’ailleurs être très spécifiques, ce qui explique aussi certains choix vers l’un ou l’autre. Mais il ne doit pas s’agir simplement de prendre une licence au sein des grandes plateformes marketing du marché. Il faut avoir un “decision layer”, une sorte d’interface utilisateur élaborée par l’entreprise, spécifique au modèle opératoire de l’annonceur, à son processus de décision, qui permet aux utilisateurs de s’y retrouver, d’avoir une utilisation simple et une taxonomie qui leur parle. A défaut, le risque est que les équipes internes n’utilisent pas les outils qui sont mis à leur disposition, ce dont un certain nombre de clients nous font part. Il y a donc aussi une logique de conduite du changement et de formation à déployer. Les entreprises avancent sur ces points : ces dernières années, la plupart des départements marketing ont recruté beaucoup de data scientists et ont une stratégie guidée par les données. Une partie du secteur publicitaire, dans les agences et les régies, estime qu’il y a au sein des marques une perte de pouvoir des directions marketing au profit des directions des achats et des directions financières. Est-ce que vous partagez ce constat ? Il faut différencier deux choses. Le CMO a plusieurs rôles, ce qui rend d’ailleurs son travail très difficile. Sur la casquette média, je l’ai constaté lors de mon expérience à la présidence de Carat, il y a eu effectivement année après année une influence grandissante du procurement (service de gestion et de coordination des achats, parfois de négociation, ndlr). Ce qui a accentué les remises en compétition et les négociations de budget, et a effectivement renforcé la pression sur les agences et sur leur marges, et qui a pu potentiellement affecter la qualité du travail. Sur la casquette budget marketing, on a vu pendant le Covid des coupures de budget assez arbitraires de la part des directions financières, avec des CFO et des CMO qui n’étaient pas alignés. Il est essentiel d’avoir une langue commune au sein des marques entre le marketing et les finances. Le service marketing va parler de brand awareness (notoriété de la marque, ndlr), tandis que le service financier va parler de ventes. Ce n’est pas incompatible, mais il faut clarifier. C’est aussi aux responsables marketing de convaincre leurs homologues en charge des finances de l’entreprise. Il ne s’agit pas de prise de pouvoir, comme on l’a vu entre le procurement et le média dans les négociations avec les agences, plutôt une période d’alignement pour que les décisions soient communes et partagées. D’où l’importance d’avoir un tableau de bord complet et transparent pour que les services financiers puissent comprendre où vont les investissements, quasiment en temps réel, et soient équipés pour aider le marketing à prendre les bonnes décisions. “Les directions des achats chez l’annonceur ont souvent trop de poids au détriment des directions marketing” En période de difficultés économiques ou d’incertitudes, comme c’est le cas depuis 12 mois, comment résister à la logique financière, et parfois actionnariale, de court terme, au sein des marques ? Certaines grandes entreprises sont allées très, très loin dans le marketing digital, dans un objectif de performance financière à court terme, et sont aujourd’hui en train de faire un peu marche arrière, parce que leur brand equity en a souffert. Mais comme l’equity de la marque fait partie de la valeur actionnariale, cela finit par se voir dans le bilan financier. Si ce n’est pas en année 1, ce sera le cas rapidement après. Les entreprises doivent trouver le bon équilibre dans leurs impératifs et ne pas aller trop loin non plus dans le marketing digital ou dans l’achat média digital, afin de travailler aussi sur le haut du tunnel de conversion. “C’est d’autant plus important de laisser la décision marketing proche du terrain, au niveau local, que les marchés sont différents et évoluent vite” Quelles sont les bonnes pratiques en matière de stratégie ou d’innovation marketing que vous observez ces derniers mois sur le marché ? Quels sont les nouveaux modèles qui vous interpellent ? En termes d’organisation interne, ce qui marche bien, ce sont les équipes multidisciplinaires, souvent sur le mode projet, et qui sont “incentivées” sur des indicateurs de performance clairs, avec au cours du temps un changement de reporting assez fréquent, mais avec des indicateurs personnels constants. C’est un premier modèle qui marche bien parce que le marketing associe désormais des équipes complémentaires, avec des experts de la data, du commerce, des médias, du CRM, etc. Il faut pouvoir les faire travailler tous ensemble et ce modèle d’organisation en projets, avec des KPI partagés, fonctionne bien. Il est d’ailleurs associé de plus en plus avec l’utilisation de freelances. Les agences ont été les premières à utiliser les freelances. Maintenant, ce sont les annonceurs, sur certains métiers : jusque-là beaucoup dans l’IT, mais de plus en plus également dans le marketing. Pour des expertises SEO ou SEM par exemple, qu’il est difficile de faire progresser en termes de carrière, et donc de fidéliser, les marques préfèrent utiliser des freelances. La capacité d’avoir des ressources agiles ou bien des ressources dans d’autres pays à des coûts moindres permet d’utiliser ces talents où ils sont en fonction du besoin et de s’appuyer sur un pool de collaborateurs plus large. Une autre bonne pratique chez les très grandes marques consiste à laisser l’initiative marketing aux marchés locaux, autrement dit à donner le pouvoir au pays local, surtout dans les groupes décentralisés. Ces sociétés laissent les pays décider leur mix marketing. Elles les laissent donc juger et prendre les meilleures décisions. Ces marchés vont alors utiliser le service marketing global de l’entreprise comme un support, pour les aider par exemple à choisir un outil martech, un partenaire data ou une plateforme data pour mieux piloter leur business. Le global a un rôle indispensable ici, mais c’est une organisation ascendante dans laquelle les marchés remontent les insights qui fonctionnent. Le global aide ensuite à industrialiser les meilleures pratiques dans l’ensemble de l’entreprise. C’est un nouveau modèle qui donne de bons résultats, d’autant plus dans le contexte macroéconomique assez chahuté que nous traversons, car il permet d’investir et de tester des dispositifs dans les zones géographiques où l’économie se porte mieux, avant éventuellement de les généraliser à d’autres marchés plus tendus où il y a moins de marge économique. C’est d’autant plus important de laisser la décision marketing proche du terrain, au niveau local, que les marchés sont différents et évoluent vite, avec une élasticité prix qui n’est pas la même et un “mid market” qui est en train de se réduire dans certains pays. Comment Bain & Company répond-t-il à ces évolutions du marketing ? Nous avons d’abord au niveau global une expertise du marketing et des modèles opérationnels, associée à la conduite du changement. Deuxièmement, nous développons chez les annonceurs leur capacité à déployer des dispositifs de test and learn, dont nous parlions précédemment. Nous avons ici une expertise jusque dans l’opérationnel. A cet effet, nous avons récemment noué un partenariat stratégique avec OpenAI pour aider les annonceurs à utiliser de façon optimale l’intelligence artificielle générative. Enfin, nous aidons les entreprises à mettre en place des tableaux de bord pour avoir une bonne lisibilité de leurs performances marketing. Cela inclut la customer experience, avec notamment le NPS – une activité importante pour nous – qui va aider à la mise en place de toute l’organisation et d’un plan d’action. Nous avons d’ailleurs acquis l’agence FRWD, pour Forward, dont je fais maintenant partie du comité de direction en Europe. Elle est dotée de plusieurs centaines de personnes au niveau mondial et réalise des diagnostics sur les organisations marketing. Par exemple sur leur niveau de maturité sur la dimension commerce, sur la roadmap à déployer pour améliorer le direct-to-consumer, etc. Nous avons étendu l’action de FRWD, initialement présente aux Etats-Unis et au Royaume Uni, à l’Asie, l’Allemagne, la Belgique et maintenant à la France. Pour travailler, nous avons une organisation matricielle, comme la plupart des cabinets d’ailleurs, pour garder une certaine agilité et être capable d’utiliser les ressources au bon endroit en fonction des demandes de nos clients. Gautier Picquet (Publicis) : “Nous vivons la fin du marketing marchand tel que nous l’avons connu ces 30 dernières années” La menace ces dernières années a sans doute été exagérée, mais on a vu des cabinets de conseil ou des entreprises de services numériques vouloir concurrencer les agences, notamment via des acquisitions dans la publicité ou le marketing. Bain & Company se positionne-t-il en face des agences, sur tout ou partie des services marketing aux marques ? Certains cabinets de conseil sont effectivement concurrents directs des agences. Par exemple Accenture Song et Deloitte Digital. Ils ont fait des acquisitions qui visent à se substituer à une grande partie du métier d’agence. Je vous le dis d’autant mieux que j’ai fait partie des fondateurs en 2009 d’Accenture Interactive, devenue depuis Accenture Song, et c’était notre feuille de route, en particulier dans le marketing digital. Pas dans les métiers média offline, qui vont rester chez les agences, mais même dans la création, il y a des velléités. Voyez qu’aujourd’hui le CEO d’Accenture Song est David Droga, un expert créatif qui vient du monde des agences publicitaires. Ce n’est pas anodin. En revanche ce n’est pas le cas des cabinets de stratégie comme Bain & Company. Nous n’avons pas cette ambition, nous sommes plutôt des partenaires pour les agences. Notre rôle est de conseiller nos clients sur le bon mode opératoire, éventuellement sur leurs pitchs quand ils le souhaitent, sélectionner le bon écosystème de partenaires et les meilleurs fournisseurs de technologies, etc., mais pas de remplacer les agences. “Le partenariat stratégique avec OpenAI nous permet d’aller voir ensemble les clients et de travailler en mode co-création” Et à l’inverse, quel regard avez-vous sur les agences qui veulent se positionner sur le métier de conseil, où les marges sont plus importantes ? Est-ce qu’un acteur comme Publicis, qui se transforme depuis cinq à six ans avec une certaine réussite, peut progressivement devenir un concurrent pour vous ? Depuis très longtemps, des agences comme WPP, Dentsu ou Publicis ont voulu créer une branche de conseil. D’ailleurs, ils l’ont fait, mais avec une activité limitée, car souvent, la branche conseil n’arrivait pas à justifier des honoraires additionnels à ceux déjà prévus pour le reste du business. Il y a un problème structurel de valorisation chez les agences. Deuxièmement, on sait très bien que les agences ont des difficultés à attirer les meilleurs talents. C’est d’autant plus difficile pour les agences qu’aujourd’hui les jeunes les plus brillants qui sortent des grandes écoles ne sont plus attirés par ce type de structures. En cabinet de conseil, en stratégie, oui… quand ils ne rêvent pas d’aller directement chez Amazon ou Google. D’autant qu’avec cette pression sur la marge, les agences ne peuvent pas toujours apporter des salaires compétitifs. Pour toutes ces raisons, elles vont avoir du mal à tenir un positionnement profond et réel dans le conseil. Souaade Agmir (Publicis Media France) : “Nous nous passerons de certains partenaires s’ils ne sont ni engagés, ni utiles dans la transition écologique” Des structures telles que Bain & Company sont-elles confrontées elles aussi au turnover qui touche les métiers de la communication et du marketing, et plus globalement à la remise en question du travail que l’on pointe chez une partie des jeunes générations de collaborateurs ? Effectivement, nous avons révisé notre proposition de valeur, notamment vis-à-vis des jeunes générations. Elles ont des attentes différentes. Le sujet de l’inclusion – sociale, handicap, etc. -, est beaucoup plus important pour eux. On s’adapte et on prend des initiatives en ce sens. On s’applique d’ailleurs à nous-mêmes un “employee NPS” : sur chaque projet, chaque semaine, tous les collaborateurs vont pouvoir partager leur expérience. C’est une sorte d’électrocardiogramme qui permet de prendre le pouls de l’ensemble des collaborateurs du cabinet en quasi temps réel pour pouvoir améliorer leur expérience et être au plus proche de ce qu’ils souhaitent au quotidien. Cela passe parfois simplement par beaucoup de communication en amont et une organisation toute simple. Par exemple, sur un de mes projets, l’équipe a décidé de faire une seule journée tardive de travail par semaine et l’absence de réunion avant 9h du matin. La mise en place d’un NPS apporte une aide extraordinaire en termes de management des équipes. Bain & Company veut-il réaliser des opérations de croissance externe ? Notre stratégie d’acquisition est confidentielle, mais Bain a été actif ces dernières années avec par exemple en Europe l’acquisition de Pangea en Italie en 2021, sur des expertises en analytics, et celle de Proxima en 2022 au Royaume-Uni, sur le procurement. Cela s’ajoute au partenariat stratégique noué au premier semestre 2023 avec OpenAI. Ces mouvements illustrent notre orientation stratégique vers la data. Nous avons déjà des consultants très “data driven” par leur formation et du fait de notre empreinte majeure sur le marché du private equity et des due diligences. L’acquisition de capacités additionnelles faisait sens. En quoi consiste le partenariat autour de l’intelligence artificielle générative noué avec OpenAI ? Ce partenariat stratégique nous permet d’aller voir ensemble les clients et de travailler en mode co-création : OpenAI développe la technologie autour de l’outil conversationnel ChatGPT, par exemple pour Carrefour et Coca Cola, et de notre côté nous apportons toute la dimension business, c’est-à-dire quel operating model y associer, quel cas d’usage et quelle roadmap de déploiement. Nous aidons aussi à faire le lien au sein des organisations entre les membres du comité de direction, parce que c’est souvent un sujet qui doit être adressé en collaboration entre la direction marketing et la direction financière qu’il faut convaincre, tout comme la direction générale. Nous intervenons aussi sur ce type de projet afin de s’assurer que les pilotes peuvent être “scalables” et délivrer une vraie valeur business. Comment les professionnels de la publicité envisagent l’usage de l’intelligence artificielle générative Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse l’industrie des médias Quels sont les premiers dispositifs s’appuyant sur l’IA générative sur lesquels vous avez travaillé ? Ils ont porté sur l’user generated content, par exemple pour Coca Cola la possibilité donnée aux consommateurs de créer leurs propres publicités pour la marque, via l’intelligence artificielle, avant de les diffuser en ligne à petite échelle, puis grâce au web analytics observer ce qui fonctionne le mieux. La campagne “Create real magic” de Coca Cola est maintenant opérationnelle avec un certain brio et les meilleures publicités sont diffusées à Times Square, Piccadilly Circus, etc. Peut-être que demain, ce type de dispositif sera déployé pour d’autres marques. Avec l’IA générative, la logique d’innovation s’inverse : chez Coca Cola, le dispositif a été pensé et géré au niveau du siège, et les marchés se battent désormais pour être les prochains sur la liste du déploiement. “Le marché a besoin d’un CMO fort qui prend des risques dans l’entreprise et chez les marques” La génération de contenus par l’intelligence artificielle pose cependant des questions éthiques et réglementaires, y compris pour le secteur de la publicité et du marketing. Oui, c’est vrai, c’est la raison pour laquelle, pour l’instant, nous sommes en mode test & learn, et scalabilité avec prudence. Ceci étant dit, les cadres de régulation vont évoluer pour formaliser les usages. Ce type de communication par l’IA pourrait nécessiter une évolution des législations, avec l’ajout d’une mention “Publicité conçue par intelligence artificielle”, tout comme en France, certaines marques dans l’alimentaire doivent ajouter à leurs publicités une mention “Manger cinq fruits et légumes par jour”. Le rôle du CMO est très challengé en interne dans l’entreprise, et en externe avec des attentes sociétales qui concernent aussi les marques et des actes de consommation plus fragmentés et plus complexes. Quelles doivent être les nouvelles expertises du CMO pour y répondre ? La fonction du CMO se transforme en profondeur, et cela touche plus globalement l’ensemble du marketing. Il y a dix ans, faire du marketing chez P&G faisait rêver tout le monde, même les jeunes générations, et le poste de CMO était envié. Mais à ce moment-là, j’écrivais un livre – Métamorphoses du marketing – qui plaçait déjà le consommateur et la data au cœur de la transformation. Aujourd’hui, il y a toujours des CMO prestigieux, de qualité et qu’on écoute, mais le métier est beaucoup plus difficile. Ce rôle dépasse le rôle lié à la création et au brief agence, il est de plus en plus un métier d’influence à l’intérieur de l’entreprise comme à l’extérieur. Ma conviction, c’est que le marché a besoin d’un CMO fort qui prend des risques dans l’entreprise, et chez les marques, un CMO qui sait convaincre son CFO et CEO. Les directions d’entreprise doivent l’avoir en tête. Un CMO qui devient un simple opérateur, cela risque de ne pas fonctionner et l’entreprise en pâtira à court ou moyen terme. Avoir un CMO au sein du board des marques est indispensable au regard de la transformation qui s’opère aujourd’hui. C’est aussi ce qui lui permet de parler d’égal à égal avec le CFO et le moyen de trouver le bon alignement entre les deux. Il y a tout de même beaucoup de sociétés dans lesquelles le CMO fait partie du board, particulièrement en BtoC. C’est moins vrai dans le BtoB, où les ventes demeurent très importantes au sein du board avec l’existence de “chief growth officers” seniors qui pilotent à la fois les ventes et le marketing. Capucine Pierard (Havas Media Group) : “Les entreprises qui ne prennent pas le virage de la transition écologique seront tôt ou tard condamnées” Le marketing évolue de plus en plus vers la data et le ciblage, malgré la remise en cause du cookie. A quel impact faut-il s’attendre sur le marché et ses acteurs ? J’observe avec intérêt la stratégie de Netflix qui vient d’intégrer la publicité vidéo ; cela illustre un vrai changement pour tout le marketing, qui devient beaucoup plus personnalisé quel que soit le canal. Le marketing personnalisé à grande échelle devient une thématique récurrente, avec un autre exemple, celui des entreprises de CPG, historiquement pauvres en données, qui veulent devenir retailers et faire de la personnalisation. Le marketing personnalisé est facilité par le digital et les media owners : avec la disparition des cookies tiers, les annonceurs cherchent des données propriétaires afin de pouvoir personnaliser, cibler et individualiser leur contenu. Ils créent leur site de vente et du owned media, et nouent des partenariats stratégiques, par exemple avec des retailers, pour avoir des données sur les comportements transactionnels. Cette transformation coïncide avec le fait que les consommateurs regardent moins les publicités. Le temps d’attention d’un consommateur diminue. Il faudra de plus en plus attirer son attention d’une autre manière. On voit pour cela se développer le co-branding, et plus largement des partenariats entre marques. Cela demande cependant de nouveaux processus, car les organisations internes ne sont pas pensées pour cela. Les médias sont en train de se transformer pour rendre possible ce marketing personnalisé. Et il y aura nécessairement une régulation du secteur par des fusions et acquisitions, parce qu’un annonceur ne peut pas se permettre de s’interfacer avec les centaines d’outils disponibles, qui déclarent tous rendre un bout du service publicitaire et qui ont chacun des coûts de maintenance, de développement, etc. En résumé, les investissements en marketing vont se déplacer de plus en plus des activités créatives et médias vers les dispositifs autour de la data. C’est là où va l’argent actuellement. Jean-Michel De Marchi AgencesCabinets de conseilIA générativeIntelligence artificielleInternalisationModèles économiquesOrganisationRelations agences-annonceursStratégies annonceursTransformation marketing Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Dossiers Ce qu’il faut retenir de notre conférence mind Media Day sur les enjeux de la vidéo du 18 octobre 2023 Comment intégrer la transition écologique dans les activités médias et marketing : ce qu'il faut retenir de notre conférence mind Media Day du 4 avril 2023 Analyses Entretiens Pierre Calmard (Dentsu France) : "Les directions des achats chez l'annonceur ont souvent trop de poids au détriment des directions marketing" Analyses Tribunes gratuit “Nous vivons la fin du marketing marchand tel que nous l’avons connu ces 30 dernières années” Analyses Entretiens Capucine Pierard (Havas Media Group) : "Les entreprises qui ne prennent pas le virage de la transition écologique seront tôt ou tard condamnées" Analyses Entretiens Souaade Agmir (Publicis Media France) : "Nous nous passerons de certains partenaires s'ils ne sont ni engagés, ni utiles dans la transition écologique" Dossiers Comment les professionnels de la publicité envisagent l’usage de l’intelligence artificielle générative Analyses Entretiens Michaël Nathan (SIG) : “Le SIG doit agir comme n'importe quel autre annonceur” Entretiens Martin Sorrell (S4 Capital Group) : “20 à 21 % de marge est le bon rendement pour des entreprises de marketing de notre nature” Alexandra Chabanne est nommée CEO de GroupM France (WPP) Havas crée une practice de conseil en cybersécurité Mediabrands France fusionne ses activités de technologies et data autour de Kinesso essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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