Accueil > Médias & Audiovisuel > Des députés centristes préparent une proposition de loi pour créer un centre national de l’information et renforcer les droits voisins Des députés centristes préparent une proposition de loi pour créer un centre national de l’information et renforcer les droits voisins Les députés Violette Spillebout et Jérémie Patrier-Leitus ont publié un livre blanc pour porter dans le débat public 100 propositions pour réformer les médias. Ils annoncent le dépôt “imminent” d’un texte de loi à l’Assemblée nationale. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 18 septembre 2024 à 17h09 - Mis à jour le 16 octobre 2024 à 15h24 Ressources Les États généraux de l’information trouvent leur première concrétisation politique. Les députés Violette Spillebout (Ensemble pour la République) et Jérémie Patrier-Leitus (Horizons et Indépendants) ont annoncé mardi 17 septembre le dépôt rapide d’une proposition de loi pour le secteur des médias et l’information. L’initiative s’inscrit dans la lignée des travaux des États généraux de l’information, coordonnés par Christophe Deloire, puis Bruno Patino et le comité de pilotage, dont le rapport final a été présenté jeudi 12 septembre, mais aussi dans celle de leur livre blanc. Celui-ci, publié également mardi 17 septembre, dresse 100 propositions sur lesquelles ils ont travaillé avec une trentaine de députés de l’ex-majorité présidentielle lors de la précédente législature de l’Assemblée nationale, entre novembre 2023 et juin 2024. Ce document préfigure les positions que prendront une partie au moins des députés centristes lors des débats concernant les médias dans la chambre basse. La proposition de loi des deux députés comprendra 11 points, notamment la création d’un centre national de l’information (qui correspond à la proposition 83 de leur livre blanc), le renforcement de l’éducation aux médias à l’école (propositions 21 à 23), et l’encadrement plus strict de la procédure des droits voisins (propositions 13 à 15). Y sont également prévus le renforcement de la place des journalistes au sein des rédactions (proposition 50), et l’association de la rédaction et du comité d’éthique en cas de nomination d’un nouveau directeur de la rédaction (recommandation n°4 des États généraux de l’information). Clarifier la loi sur les droits voisins Parmi ces propositions, celle concernant les droits voisins sera suivie de près par la profession. Les députés détaillent l’état d’esprit qui les anime dans leur livre blanc : pour “stabiliser le modèle économique des médias historiques”, ils suggèrent de “renforcer leur position dans la négociation de leurs droits voisins” et encouragent pour cela “l’examen rapide de la proposition de loi visant à renforcer l’effectivité des droits voisins de la presse de Laurent Esquenet-Goxes”. Présentée début 2024 par l’ancien député, elle vise à renforcer la transparence des négociations et crée un mécanisme d’arbitrage. Le texte prévoit une liste précise des données devant obligatoirement être transmises par les sociétés du numérique aux éditeurs lors des négociations. Il obligerait surtout, en cas d’absence d’accord un an après l’ouverture de négociations, à une procédure de médiation orchestrée par l’Autorité de la concurrence. En cas d’échec, l’Autorité trancherait en dernier ressort. L’initiative sera très largement suivie par les éditeurs médias et devrait être largement soutenue par les familles d’éditeurs ; elle correspond à leur demande tout au long de ces dernières années pour lever les refus de négocier des plateformes ou les obstacles qu’elles leur opposent dans leurs discussions. Droits voisins : les éditeurs trouvent un appui à l’Assemblée nationale Marc Feuillée (Le Figaro) : “La loi sur les Droits voisins doit être amendée par le législateur” Un centre national de l’information comme nouvelle structure professionnelle ? Les députés centristes reprennent également l’idée, plus clivante, de la création d’un Centre national de l’information, une nouvelle structure à la fois administrative et interprofessionnelle au périmètre très large. Cette idée est portée depuis trois ans par le Spiil – dont Frontline Media, éditeur de mind Media, est membre. Elle a été détaillée dans nos colonnes dès 2022 et a été reprise dans le rapport des États généraux de l’information. Selon les députés Violette Spillebout et Jérémie Patrier-Leitus, cet organe, qui serait mis en place en concertation avec l’interprofession des médias, s’appuierait sur le modèle du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Leur livre blanc détaille ses attributions : il “devrait regrouper, dans des chambres indépendantes, paritaires et déliées des lieux de décision d’affectation des aides, les missions actuelles de la CPPAP et de la CCIJP”, et “devra également fortement impliquer éditeurs, journalistes et public à ses réflexions et mécanismes de décision” (proposition 86 du livre blanc). Le financement de la structure serait assuré par une taxe sur les principaux acteurs de la publicité en ligne (proposition 87). Toujours dans leur livre blanc, les députés centristes évoquent le rôle significatif de cet organe sur la gestion des aides à la presse et aux médias, lesquelles seraient l’objet d’“une réforme d’ampleur”. Parmi les orientations envisagées : la disparition naturelle et progressive des aides au portage pour privilégier les aides à la modernisation, la sanctuarisation du montant des aides en valeur absolue sous forme de plancher, des aides rendues “plus stratégiques et pluriannuelles”, etc. Le détail des aides à la presse, année par année Revoir les mécanismes d’aides à la presse Les députés centristes se montrent clairs : il faut “revoir les attributions des aides, y compris sous forme de conditionnement ou de bonification, en fonction de critères déontologiques comme l’indépendance des rédactions, les investissements dans l’éducation aux médias ou la transition numérique et écologique, le respect de l’égalité entre les genres (…), ou l’existence d’une charte déontologique” (proposition 88). Idée impulsée par le Spiil et reprise par les États généraux de l’information, la création de cette structure aux pouvoirs élargis doit encore convaincre les dirigeants des grands groupes médias réunis au sein de l’APIG et du SEPM. Contactés par mind Media, deux interlocuteurs dans leur entourage se montrent circonspects sur ce type d’organe et souhaitent privilégier des mesures réglementaires et financières de soutien aux médias face aux plateformes. La question de la gouvernance et de ses attributions sera clé. L’idée d’un Conseil national de la presse avance timidement Des amendements dans la loi de finances L’entourage de la députée Violette Spillebout ne s’en cache pas : dans le contexte de fragmentation politique de l’Assemblée nationale et des clivages partisans, les deux parlementaires ont souhaité avancer avec des initiatives relativement consensuelles et équilibrées, susceptibles de recueillir une majorité de suffrages, du moins qui ne vont pas susciter une levée de bouclier immédiate. Ce qui n’empêche pas d’autres initiatives : les deux députés annoncent vouloir déposer plusieurs amendements dans le cadre des discussions sur le budget 2025, “afin de renforcer les moyens de l’Arcom, de redistribuer une partie de la richesse captée par les fournisseurs de services numériques en faveur des acteurs de l’information, de renforcer les aides à la presse et à l’éducation aux médias”. Les 100 propositions centristes pour les médias L’initiative du livre blanc sur les médias avait été lancée fin novembre 2023, sous la précédente législature, par les députés de l’ex-majorité présidentielle Violette Spillebout (aujourd’hui Ensemble pour la République), Jérémie Patrier-Leitus (Horizons et Indépendants) et Laurent Esquenet-Goxes (alors député Modem, non réélu), qui ont créé pour l’occasion le groupe Médias et Information – Majorité Présidentielle (dit “MIMP”), composé d’une trentaine de députés. L’objectif : rédiger un livre blanc pour alimenter les États généraux de l’information, mais également pour porter au Parlement et dans le débat public les idées centristes sur les évolutions et améliorations du secteur des médias et de l’information, notamment pour répondre à la montée de la désinformation, éviter la concentration trop forte des médias, favoriser l’indépendance des rédactions et la viabilité des modèles économiques. Après des dizaines d’échanges avec le secteur en six mois, le document a été bouclé en juin 2024 et publié le 17 septembre. Au sein de ce rapport de 90 pages, 100 propositions sont déclinées, classées en trois domaines : l’information à l’heure du numérique, le statut des journalistes, et le pluralisme et l’indépendance des médias. Une partie significative concerne l’éducation aux médias, un sujet consensuel au sein du secteur. Le livre blanc propose notamment d’“attribuer aux réseaux sociaux une présomption de responsabilité éditoriale pour certains contenus publiés sur leurs plateformes” ; de “généraliser le watermarking des contenus produits par de l’intelligence artificielle générative ou des contenus authentifiés sans IA générative” ; d’“assurer un juste partage de la valeur sur l’utilisation des contenus des médias traditionnels par l’IA générative”. Les députés promeuvent “des accords sectoriels” entre éditeurs médias et fournisseurs d’IA générative et indiquent qu’“ils nous semble important que les médias certifiés puissent bénéficier d’une mise en avant sur les différentes plateformes en ligne”. Certaines de ces propositions “devront trouver des échos législatifs ou réglementaires. D’autres, notamment en matière de déontologie de la pratique journalistique, sont des suggestions de notre groupe de travail dont la mise en œuvre relève de la responsabilité des acteurs des médias”, souligne le document. Les deux députés le disent clairement : les parlementaires ne pourront pas tout faire et c’est à l’interprofession d’agir et de trouver des solutions de façon collective à chaque fois qu’elle le peut. Un commentaire ici aligné en tout point avec l’esprit du rapport des États généraux de l’information et le message transmis par le président de son comité de pilotage, Bruno Patino. 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