« L’Espagne est le 4e pays européen en termes de ventes e-commerce »

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Par Magda Espuga, co-fondatrice de Kiss Retail. Basée à Barcelone, cette société de conseil en stratégie est spécialisée dans la transformation et l'optimisation des concepts Retail. Kiss Retail compte parmi ses clients des entreprises comme Carrefour, Ben & Jerry’s, Inditex, ou encore Havaianas.
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Mind Retail : Comment la crise sanitaire a-t-elle modifié les comportements des consommateurs dans le retail ? 

Magda Espuga : Les confinements de 2020 ont accéléré l’e-commerce en Espagne, dont la part de marché est passée de 4,4 % en 2019 à 7,4 % en 2020 ! Mais tous les secteurs ne sont pas concernés de la même façon. Dans la mode, malgré l’importante baisse du marché, l’e-commerce a pratiquement doublé sa part de marché en valeur, passant de 8,8 % en 2019 à 19 % en 2020. Une part importante de ce succès est due aux solutions omnicanales des acteurs de la mode qui opéraient déjà à l’époque. Ces solutions, alliées à une capacité de réaction rapide, ont propulsé le poids du digital pour ces acteurs comme Mango (40 % de ventes en ligne) et Inditex (32 %). En 2021, les magasins ont ré-ouvert et leur fréquentation a repris. Mais beaucoup de clients combinent les achats sur le Web et en magasin, ce qui indique que les habitudes omnicanales sont là pour durer. Dans l’électronique, la part du « online » était déjà élevée, avec près de 30 % de part de marché en 2019, en raison du poids important des pure-players en Espagne. Pourtant, les ventes en ligne dans ce secteur ont atteint plus de 40 % de part de marché en 2020, tirées par la forte hausse de la demande (équipement pour le télétravail). En ce qui concerne cette activité, la part de marché du digital devrait continuer à croître, bien que modérément.

Comment l’e-commerce alimentaire a-t-il évolué ?

Magda Espuga : Dans le “food”, l’évolution a été très différente : la part de marché de l’e-commerce n’y a crû que d’un point, passant de 2,5 % en 2019 à 3,6 % en 2020. En effet, les magasins physiques sont restés ouverts. De nombreux foyers espagnols ont été obligés d’essayer la livraison à domicile pour la première fois… mais la majorité des expériences ont été désastreuses (chaos logistique du confinement, manque de préparation des acteurs). Aujourd’hui, la plupart des Espagnols retournent en magasin, notamment pour l’achat de produits frais – en Espagne, c’est une catégorie qui suscite beaucoup de réticence en ligne. Par ailleurs, les Espagnols acceptent difficilement de payer des frais de port, ce qui ne permet pas aux enseignes d’assurer leur rentabilité. Ceci dit, certains acteurs ayant fourni un meilleur service en ligne, comme Carrefour, ont eu un impact très positif sur la confiance de leurs clients accordée à l’e-commerce. 

Les consommateurs espagnols ont-ils, finalement, adopté l’e-commerce? 

Magda Espuga : Grâce à la pandémie, l’e-commerce a définitivement décollé : toutes les tranches d’âge l’ont expérimenté avec succès. Certes, les Espagnols préfèrent toujours le commerce physique, mais les habitudes d’achat ont évolué et ils ont consolidé leur profil d’utilisateurs omnicanaux. En 2021, l’Espagne est devenue le 4e pays d’Europe en termes de CA e-commerce avec € 68,4 milliards en 2021 (NDLR : après le RU avec € 236 milliards, la France avec € 112 milliards et l’Allemagne avec € 94 milliards). Ensuite, après s’être livrés à une importante réflexion lors des confinements, les espagnols ont identifiés les variables importantes pour un nouveau modèle de consommation : la santé (nutrition, activité physique…), une consommation plus responsable, le facteur « temps disponible » (temps en famille, entre amis ou avec soi-même), qui est en faveur de l’e-commerce. En 2022, une fois générée la confiance dans les marques qui tiennent leurs promesses, les Espagnols seront encore plus prédisposés au e-commerce.

Quels secteurs restent les plus fragilisés en Espagne? 

Magda Espuga : Il faut citer le tourisme et les loisirs, qui sont très dépendants des visiteurs étrangers, dont le nombre reste très limité. Pour ces acteurs, la priorité absolue en 2022 sera de survivre; certains devront restructurer leurs entreprises, voire fermer. 

Quelles sont les priorités stratégiques des enseignes pour 2022 ?  

Magda Espuga : Les principales priorités des retailers en Espagne sont claires et communes mais dont les variables d’ajustements dépendent de leur degré de développement, de leur niveau d’ambition et des ressources disponibles. 

D’abord, l’excellence omnicanale et la transformation numérique qui en découle sont des priorités absolues. Qui dit omnicanalité dit intégration complète des canaux en ligne et magasins : les acheteurs utilisent les deux canaux comme sources d’information, puis convertissent dans l’un ou l’autre. L’interrelation entre ces canaux est claire, et l’expérience utilisateur doit se concentrer sur l’amélioration de ces processus d’achat inter-canaux. Il y aussi le grand défi de la RSE, un sujet de plus en plus important pour les clients et soumis à la législation de l’UE, qui impactera de nombreux secteurs. Les consommateurs sont conscients de la nécessité de prendre soin de leur santé, de la planète et de soutenir le commerce local. Ils veulent que les enseignes les aident à consommer plus durablement. 

Comment parvient-on à relever ce défi complexe qu’est l’omnicanalité ?

Magda Espuga : D’une enseigne à l’autre, la feuille de route varie selon la stratégie et l’environnement concurrentiel. Mais une fois définie la stratégie omnicanale la plus appropriée, chaque entreprise établit ses principales priorités autour d’axes communs:  

– Optimiser l’assortiment et les niveaux de stock.

– Optimiser le site marchand pour gagner en agilité et en attractivité commerciale.

– Améliorer la livraison : visibilité du stock, click and collect, points de retrait, renforcement de l’infrastructure logistique pour respecter les délais de livraison ou garantir des délais d’expédition plus courts.

– Renforcer la sécurité des passerelles de paiement, et la flexibilité et du financement. 

– Les places de marché, qu’elles soient de niche ou généralistes comme Amazon ou Aliexpress, restent la référence en matière d’information pour de nombreux produits. 

– Le marketing digital devient aussi indispensable que coûteux. Les moteurs de recherche et les réseaux sociaux influencent les décisions d’achats de nombreux produits. Relier les canaux directs et indirects par des campagnes de marketing est indispensable.

– Offrir une expérience d’achat mémorable, davantage personnalisée, est probablement la voie la plus rentable, à condition de faire preuve d’ingéniosité.

– Restructurer le réseau de magasins pour s’adapter plus efficacement aux nouvelles habitudes d’achat omnicanal.  

-En termes de RSE, la priorité des enseignes est d’introduire au sein de leur gamme des produits plus durables. Mais le chemin sera long et le client exigera de plus en plus de preuves d’un engagement réel de la part des détaillants, et sera intransigeant face au green washing.Les consommateurs disent qu’ils attendent que les enseignes leur apprennent et les aident à consommer plus durablement. 

Sur quels aspects vont porter les ré-arbitrages d’investissements dans le retail ?  

Magda Espuga : En Espagne, la hausse significative de la pénétration du e-commerce, de 72 % en 2020 à 76 % en 2021, a entraîné une hausse des attentes clients en termes d’omnicanalité (praticité, gamme de produits, rapidité et compétitivité-prix). A court et moyen terme, la priorité d’investissement n°1 sera une intégration omnicanale efficace, en s’assurant que cet écosystème unifié garantit flexibilité et cohérence, tout en préservant la rentabilité de l’entreprise. 

Les deux aspects clés des plans d’investissements touchent deux aspects :

– l’organisation (besoin de compétences nouvelles) car les enseignes ont besoin du talent nécessaire pour traiter les données, innover et créer des connexions émotionnelles avec les clients 

-la technologie : les investissements dans les bons outils technologiques sont clés pour offrir le bon niveau d’efficacité omnicanal (inventaire en temps réel, suivi des livraisons, parcours client sans friction…).

En termes de RSE, quels sont les investissements prioritaires ? 

Magda Espuga : Concernant la durabilité, son chemin sera beaucoup plus lent et, pour certains retailers, il sera très complexe. A court terme, les investissements se concentrent sur les emballages et certains changements dans l’offre commerciale. Mais pour les enseignes qui font preuve de détermination et d’engagement, le niveau d’investissement sera très important et à long terme : dans de nombreux cas, il s’agit de changer le cœur du business model, pour être plus respectueux de la société et de la planète.

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