Accueil > Médias & Audiovisuel > Digital News Report 2023 : 3 enseignements pour les éditeurs d’informations français Digital News Report 2023 : 3 enseignements pour les éditeurs d’informations français L'institut Reuters vient de publier mi-juin son traditionnel rapport annuel pour mettre en relief les évolutions des usages médias dans le monde et en particulier via le numérique. mind Media en a identifié trois tendances fortes pour le marché français, en particulier la progression de TikTok dans l'accès à l'information. Par Charlène Salomé et Jean-Michel De Marchi. Publié le 30 juin 2023 à 14h52 - Mis à jour le 30 juin 2023 à 16h06 Ressources Le Digital News Report 2023, l’étude annuelle de référence de l’institut Reuters sur la consommation des médias, a été publié le 14 juin à partir d’un questionnaire approfondi auprès de 94 000 personnes dans 46 pays, dont près de 2 078 en France. Les éditeurs d’informations peuvent en tirer trois faits notables pour leurs stratégies et leurs relations avec leurs audiences en ligne et prospects. 1 – Une forte réticence à payer pour l’information Année après année, le constat est le même : la population française figure parmi les moins enclines à souscrire à des abonnements pour accéder à l’actualité. 11 % des répondants français affirment payer l’information, comme en Allemagne et au Portugal. Un chiffre stable en France depuis 2016. La proportion est plus forte dans de nombreux autres pays. Sur la même période, elle est passée de 9 % à 21 % aux États-Unis, de 20 % à 33 % en Suède et de 27 à 39 % en Norvège. Excepté les 9 % observé au Royaume-Uni, le chiffre est d’ailleurs plus élevé chez nos voisins européens : 12 % en Italie, 13 % en Espagne, et 15 % en Belgique et en Irlande, 17 % aux Pays-Bas et en Suisse, 19 % au Danemark et entre 21 % et 39 % pour les trois pays scandinaves, des marchés certes très particuliers avec des médias locaux très puissants. “À l’exception des États-Unis, les pays où la proportion de personnes payant les informations est la plus élevée sont généralement de petits marchés à forte concentration d’éditeurs, dont la plupart ont introduit des murs payants à peu près au même moment”, relève sur ce point le Digital News Report. Le classement des éditeurs français qui ont le plus d’abonnés purs numériques à fin 2022 Quel que soit le pays, le contexte n’est pas favorable aux éditeurs en raison de l’inflation qui affecte les budgets des foyers dédié à la consommation des médias, divertissements et loisirs. Dans 20 pays étudiés, 39 % des répondants déclarent ainsi avoir annulé ou diminué leur nombre d’abonnements en 2022. L’enjeu est important pour les éditeurs alors que le marché publicitaire au 1er semestre a été médiocre. Les abonnements numériques représentaient pour les médias ces dernières années un facteur de croissance important, mais 2022 a été marquée par un net ralentissement des souscriptions – descendu entre + 10 et + 20 % de croissance en France – et il devrait s’accentuer en 2023. Abonnements numériques : après la conquête, l’augmentation des revenus par abonné ? Les éditeurs pourront actionner deux leviers pour retrouver l’intérêt des lecteurs et relancer l’abonnement : le prix de leurs offres et la qualité et la différenciation des contenus proposés. Car l’étude montre que si 47 % des répondants français ont indiqué ne pas vouloir s’abonner à des médias d’informations quels que soient la condition et le contexte, 20 % affirment qu’une baisse du tarif de l’abonnement serait un argument pour le faire, et 13 % si les contenus étaient plus intéressants pour eux. 2 – TikTok gagne en importance Si en France, Facebook, YouTube et Instagram sont toujours les médias sociaux les plus utilisés pour l’accès à l’information, de nouvelles dynamiques sont visibles. Facebook et YouTube sont utilisés respectivement par 36 % et 23 % des répondants. Devant Instagram (16 %), WhatsApp (15 %), Messenger (14 %), et Twitter et TikTok (8 % chacun). Mais Facebook et Youtube perdent respectivement 3 pts et 2 points d’usages pour l’information en un an. A l’inverse, TikTok gagne 7 points et Instagram 3 points. La pénétration de TikTok sur l’information est très inégale selon les pays : 30 % de la population en Thaïlande et au Pérou ont déclaré l’avoir utilisé à cet effet dans la semaine précédente, et 29 % au Kenya, mais seulement 3 % au Japon et en Allemagne, et 2 % au Danemark. Mais la progression de TikTok pour l’accès aux médias est réel. Au niveau mondial, c’est maintenant 6 % des répondants qui l’emploient pour l’actualité, contre 1 % en 2020. Et le taux grimpe même à 20 % chez les 18-24 ans (contre 15 % il y a un an). Une progression rapide dans les usages, en particulier chez les jeunes, qui a conduit plusieurs éditeurs d’informations français a accentué leurs efforts sur cette application et à investir dans des équipes et des formats dédiés. Les médias d’information tentent de s’approprier TikTok A noter qu’au niveau mondial, les médias sociaux constituent le premier canal d’accès à l’information, selon l’étude de Reuters, avec 30 % d’usages déclarés, contre 22 % pour l’accès direct sur les supports numériques des médias. Il y a cinq ans, en 2018, c’était respectivement 23 % et 32 %. Toujours au niveau mondial, Facebook demeure la plateforme sociale la plus utilisée pour consulter l’information avec 28 % des répondants qui affirment l’utiliser à cet effet. Cela reste une proportion importante, mais en baisse constante : c’était 42 % il y a sept ans, en 2016. Facebook a d’ailleurs pris ses distances avec les médias ces dernières années en diminuant la visibilité naturelle de leurs articles et en cessant progressivement ses partenariats rémunérés. 3) L’évitement de l’information s’accentue Elle avait certes été amorcée ces deux dernières années, mais l’édition 2023 du Reuters Digital News confirme la prise de distance des Français par rapport à l’information et aux médias. Sur trois aspects. D’abord en affichant un certain désintérêt. 36 % des répondants français se déclarent en effet “très intéressés” par les informations, contre 59 % en 2015, soit une baisse de 23 points en huit ans. Gabriel d’Harcourt (Groupe La Provence-Corse Matin) : “L’objectif est d’augmenter de 20 à 30 % nos audiences en ligne dès 2023” Un deuxième constat en découle ; l’évitement de l’information est de plus en plus prononcé. 36 % des répondants français affirment éviter “parfois” ou “souvent” activement les informations. Notamment en ignorant ou en défilant rapidement les actualités sur mobile (24 %) et en se désabonnant des notifications (13 %). Les chiffres sont identiques au niveau mondial : 36 % en moyenne. C’est 7 % de plus qu’en 2017, il y a six ans. 32 % des répondants évitent certains thèmes d’actualités, 53 % le font pour tous les types de médias, et 52 % limitent leur durée de consultation. Les informations sont jugées trop répétitives ou trop anxiogènes. La pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et la crise climatique, si elles peuvent susciter de fortes audiences, notamment à court terme, sont aussi parmi les actualités les plus citées comme étant anxiogènes. Troisième constats, le manque de confiance dans les médias, déjà très marqué en France, s’enracine. Avec un taux de 30 %, la population française figure parmi celles dans le monde accordant le moins de confiance “la plupart du temps” dans les informations consultées dans les médias numériques. Le chiffre est en baisse de deux points en un an. La France se classe ainsi au rang 38 sur 46 pays étudiés. La moyenne mondiale se situe à 40 % des personnes interrogées, avec pour extrême la Grèce (19 %) et la Finlande (69 %). En France, ce sont les médias numériques locaux et régionaux qui ont spontanément le plus de crédit auprès de la population (61 % de taux de confiance). Par marque média, les médias en ligne de service public bénéficient le plus d’adhésion. Sont principalement cités France Télévisions (57 %), France Info (57 %), et France Inter (51 %), auxquels vient s’ajouter Le Monde (52 %). A l’inverse, un déficit de confiance est particulièrement notable pour les chaînes de télévision privées d’information en continu CNews (32%) et (BFMTV ( 36 %), sans doute du fait de leur positionnement et de leur écho médiatique. Nicolas Sterckx (Groupe Sud-Ouest) : “On ne s’interdit pas de sortir de notre territoire régional via certaines verticales” Ce manque de confiance dans les médias est latent depuis des années en France, comme le montre le baromètre dédié à cette question publié chaque année par La Croix avec Kantar. La dernière édition en janvier observait également une défiance certaine dans la crédibilité des informations publiées par la presse, la radio et la télévision, avec des taux de confiance de 49 à 54 %, avec internet à 33 %. Des chiffres certes en progression de quelques points en un an (+ 3 à + 5 points), mais faibles et inquiétants pour les médias, en particulier pour ceux reposant leur stratégie sur l’abonnement numérique. La propagation des fausses informations facilement accessibles sur les différents canaux brouillent également l’image des médias traditionnels. 32 % des Français attendent que les rédactions expliquent davantage comment elles travaillent Selon l’étude de Kantar, la proportion des Français ayant le sentiment d’être exposés à des fausses informations “plusieurs fois par semaine” s’élève à 45 % sur les réseaux sociaux. Mais c’est aussi le cas à 38 % devant la télévision, 33 % en consultant la presse en ligne, 29 % en écoutant la radio et 24 % devant la presse écrite. L’objectif de tous les éditeurs d’information sera de plus en plus de recréer de la confiance et du lien de proximité avec le public, via d’avantage d’ouverture et d’explications sur leurs pratiques éditoriales, la mise en place de label, et l’affirmation de leur indépendance rédactionnelle. ______ Le Digital News Report est accessible ici. Charlène Salomé et Jean-Michel De Marchi Distribution des contenusEtudesInformation localeRéseaux sociauxSites d'actualitésocial mediaTransparence Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire 32 % des Français attendent que les rédactions expliquent davantage comment elles travaillent Les médias d’information tentent de s’approprier TikTok Analyses Dossiers [Etude mind Media] Google Analytics est toujours utilisé par 59 % des sites français en mars 2023 Analyses [Info mind Media] Comment Médiamétrie veut mesurer les audiences de Netflix GroupM constitue en France une liste blanche de 240 sites d’informations 23 % des investissements programmatiques sur le web ouvert seraient gaspillés Une liste de 650 000 cibles publicitaires proposées par Xandr a été dévoilée Abonnements numériques : la PQR tarde à franchir le cap 5 enjeux autour de l’achat média local Analyses Entretiens Nicolas Sterckx (Groupe Sud-Ouest) : “On ne s’interdit pas de sortir de notre territoire régional via certaines verticales” Analyses Entretiens Gabriel d’Harcourt (Groupe La Provence-Corse Matin) : “L’objectif est d’augmenter de 20 à 30 % nos audiences en ligne dès 2023” Analyses Entretiens Jean-Louis Pelé (Groupe Nice-Matin) : “Nous visons une progression de nos revenus de 15 % en 2023” Confidentiels [Info mind Media] Une nouvelle responsable du web à La Provence Le revenu par abonné numérique du Monde estimé à 9,3 euros mensuels en décembre 2022 essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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