La Croix veut faire du don un pilier de son modèle

Face aux difficultés rencontrées autour de la diffusion et de la vente publicitaire, le don a été placé parmi les priorités de La Croix. Pour compléter les dons des particuliers, le journal a initié au printemps 2023 un dispositif tourné vers les grands donateurs : mécènes, fondations, entreprises. Avec un objectif très ambitieux : recueillir 3,3 millions d’euros supplémentaires en un peu plus de trois ans. Ce qui pourrait représenter plus ou moins 8 à 12 % de ses revenus annuels.

Un an plus tard, il n’a récolté “que” 300 000 euros via ces grands donateurs. Il reste donc 3 millions d’euros à aller chercher en deux ans et demi. “C’est un challenge, concède Thomas Karolak, qui vient de prendre ses fonctions de directeur du développement du journal, mais nous pouvons y parvenir. La Croix dispose de valeurs et d’un lien très fort avec ses lecteurs qui lui donnent une légitimité. Il faut maintenant faire preuve de pédagogie, faire évoluer l’image, s’ouvrir davantage et tester différentes initiatives.” 

Pour y parvenir, différentes initiatives sont prises. Le développement d’événements va notamment être intensifié. D’abord avec la possibilité de rencontrer la rédaction lors de petits-déjeuners et comités de rédaction. Ensuite de façon plus ambitieuse. La Croix a ainsi organisé en octobre dernier un premier spectacle scénarisé d’informations, avec cinq enquêtes mises en scène au théâtre, devant 250 personnes. L’événement a été coproduit avec Live Magazine. Cette agence événementielle, fondée par l’ex-journaliste Florence Martin-Kessler, conçoit du “journalisme vivant” pour les médias et des récits pour les entreprises et les marques. Un deuxième événement se tiendra pour le journal à l’automne 2024. 

Une spécialiste de la philanthropie bientôt nommée

La Croix compte s’appuyer davantage sur le réseau et l’influence de son comité de soutien dédié au mécénat. Composé de sept personnalités de l’entrepreneuriat et de l’univers associatif – toutes bénévoles -, il est présidé par Pierre-André de Chalendar, président du conseil d’administration du groupe Saint-Gobain. Y figurent notamment les entrepreneurs Catherine Barba et Augustin Paluel-Marmont, et Florence Verzelen (Dassault Systemes, Institut Montaigne…). La direction ne communique pas sur l’identité des mécènes, mais se dit ferme sur le respect de l’indépendance éditoriale : le mécénat ne donne pas droit à une présence dans les pages du journal.

Au-delà du mécénat, c’est toute la politique de dons que La Croix veut renforcer. La communication sera ainsi amplifiée vers tous les publics, en insistant sur le pluralisme de la presse et sa spécificité éditoriale. “Une étude auprès de nos donateurs a montré que la majorité d’entre eux sont des abonnés. Nous voulons aller au-delà de ce cercle et convaincre le public qui n’est pas abonné de faire des dons”, explique Laurence Szabason Gilles, directrice du marketing audience et développement de la marque. Un bouton appelant au don a très récemment été ajouté sur la page d’accueil de son site, au même rang que celui pour l’abonnement. “Recueillir des dons nécessite un travail au long court, de la pédagogie, une relation forte et un accompagnement important”, souligne Thomas Karolak. Une responsable de la stratégie et de sa mise en œuvre, qui dispose d’expériences à la fois dans des fonctions marketing et CRM et dans la philanthropie, a été recrutée. Placée au sein du service marketing, elle prendra son poste fin août.

Tous les dons reçus sont fléchés vers le financement de différents projets : nouveau CMS, refonte du site et de l’application, nouveaux dossiers éditoriaux thématiques, abonnements offerts à des publics fragiles ou isolés, etc. Il s’agit de soulager ses finances et reconfigurer son modèle. La Croix a en effet clôturé l’année civile 2023 avec à nouveau des pertes significatives, de l’ordre de 3,5 millions d’euros. 

Son chiffre d’affaires avoisine la trentaine de millions d’euros. 71 % de ses revenus étaient issus des abonnements et des ventes au numéro, 13 % des subventions, 7 % de la publicité et autant d’activités complémentaires. Les dons particuliers représentaient 2 % de ses revenus. Sur l’année, 940 000 euros de dons ont été reçus, un chiffre multiplié par deux en 18 mois. 600 000 euros proviennent d’environ 5 000 particuliers (120 euros en moyenne par donateur) et 300 000 euros, donc, d’organismes, de grands mécènes et d’entreprises.